UHAUHA

    Email

    Actualités & agenda

    Accueil Actualités & agenda Prix & distinctions Guillaume Chetard, prix Vendôme
    Guillaume Chetard, prix Vendôme

    Guillaume Chetard, prix Vendôme

    Depuis 2007, le Prix Vendôme est attribué chaque année par la Mission de recherche Droit et justice et la Direction des affaires criminelles et des Grâces du ministère de la Justice (DACG). Il distingue une thèse de droit pénal, de procédure pénale ou de sciences criminelles, portant sur un sujet intéressant particulièrement le ministère. La thèse primée est désignée par un jury composé de représentants de la DACG et du ministère de la justice, de praticiens du droit et d'universitaires spécialisés en droit pénal. Au terme d'une phase de pré-sélection, trois thèses sont choisies parmi l'ensemble des candidats. Le jury se réunit ensuite en séance plénière pour élire le ou la lauréat•e.

    Guillaume Chetard est lauréat du Prix Vendôme 2021. Après avoir soutenu sa thèse de doctorat en Droit privé et sciences criminelles à l'Université de Strasbourg en 2019, il a intégré le Centre Européen de recherche sur le Risque, le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes (CERDACC) en septembre 2020. Il est également enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences Économiques, Sociales et Juridiques (FSESJ - Campus Fonderie) de l'Université de Haute-Alsace où il enseigne le droit pénal, le droit des contrats spéciaux et les libertés publiques.

    C'est donc grâce à sa thèse intitulée "La proportionnalité de la répression - Étude sur les enjeux du contrôle de proportionnalité en droit pénal français" qu'il a obtenu ce prix. "La proportionnalité est à la fois un principe juridique et une méthode de raisonnement pour le juge. C'est une règle générale d'équilibre entre les libertés fondamentales et les principes qui permettent de les limiter, basée sur l'idéal d'une "juste mesure", d'une économie de moyens dans l'usage de la contrainte."

    "La loi autorise de nombreux actes qui portent atteintes aux libertés des personnes. En droit pénal, il peut s'agir par exemple d'actes d'investigation (perquisition, garde à vue, enregistrement des communications,...), de peines (emprisonnement et réclusion criminelle, mais aussi amendes, interdictions d'exercer certaines activités, confiscations,...) ou du simple usage du pouvoir d'incrimination (le législateur interdit un comportement et limite donc la liberté de chacun de l'adopter)."

    "Le principe de proportionnalité établit que pour qu'une telle atteinte aux libertés soit admissible, elle doit être fondée sur un but légitime (comme la protection des droits d'autrui ou la garantie de l'ordre public) et être proportionnée à ce but, c'est-à-dire ne pas être excessive par rapport à ce que requiert sa réalisation."

    "L'application de ce principe - le contrôle de proportionnalité - peut notamment mener le juge à annuler des actes alors même qu'ils sont autorisés par la loi : ils correspondent bien à ce que décrit la règle abstraite qui les autorise, mais ils ne sont pas concrètement adaptés à la situation à laquelle ils s'appliquent. Par exemple, dans un arrêt du 26 février 2020, la Chambre criminelle de la Cour de cassation s'est prononcée sur le cas d'une militante Femen poursuivie pour exhibition sexuelle. Pour la Cour, le fait de montrer ses seins en public constituait bien un délit au sens de la loi, mais la condamnation de la militante aurait porté une atteinte excessive à sa liberté d'expression, s'agissant d'une forme de protestation politique."

    "Ce principe est encore relativement nouveau dans la culture juridique française et il présente de nombreuses difficultés méthodologiques. Il pose par exemple la question de savoir s'il peut exister une échelle de comparaison entre divers principes fondamentaux ("combien" de sécurité publique vaut un an d'emprisonnement ?) Ces enjeux sont d'autant plus importants que la proportionnalité peut mener le juge à contredire directement la loi, au profit de sa propre appréciation de l'équilibre à instaurer entre les principes en jeu."

    "Ma thèse vise à présenter un bilan de l'ensemble de ces problématiques et à en tirer des suggestions méthodologiques. Il ne s'agit pas de donner des réponses définitives mais plutôt d'éclairer les lecteurs quant aux enjeux principaux à prendre en compte pour aborder ce principe, en particulier dans le champ du droit pénal. J'insiste notamment sur deux aspects en tension. D'une part, le principe est omniprésent en droit contemporain. La question n'est plus tellement : faut-il faire de la proportionnalité, mais plutôt : quelles modifications, quelles adaptations ce principe implique-t-il dans l'activité des juges ? D'autre part, il existe des cas où il n'est pas possible de trancher objectivement en proportionnalité : les valeurs fondamentales telles que la liberté et la sécurité sont "incommensurables" entre elles. Le contrôle de proportionnalité doit s'arrêter à ces questions, ce sans quoi on passe du raisonnement juridique au jugement de valeur personnel."