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    Robot Perseverance

    Des chercheurs mulhousiens envoient sur Mars une pastille de zéolithe

    Une pastille de zéolithe issue de la collaboration pérenne entre le Centre National d’Études Spatiales (CNES) et l’Institut de Science des Matériaux de Mulhouse (IS2M - UMR 7361 CNRS-UHA) vient d’atterrir sur la planète Mars dans la partie SuperCam du robot Perseverance. Cette pastille a pour but de piéger les composés organiques volatils ou COV issus du dégazage des différents constituants de la SuperCam, en raison des variations de température sur Mars, et d’éviter qu'ils ne se condensent sur les surfaces critiques comme les lentilles. Elle permet donc aux équipements de conserver leur efficacité et de poursuivre leur mission.

    Une première pastille de zéolithe mulhousienne équipait déjà la ChemCam du rover Curiosity arrivé sur Mars en 2012. Elle a fait l’objet d’une optimisation durant la thèse d’un doctorant de l’UHA, précédemment diplômé de l’École Nationale Supérieure de Chimie de Mulhouse (ENSCMu), thèse réalisée à l’IS2M en collaboration avec le CNES.

     

    Qu’est-ce qu’une pastille de zéolithe ?

    C’est en 1756 que le minéralogiste suédois Axel Frederik Cronstedt découvre la stilbite. Cette roche naturelle est la première d’une nouvelle famille qui compte près de 50 variétés naturelles à l’heure actuelle. A. F. Cronstedt observe alors que la pierre semble bouillir une fois qu’elle est chauffée, d’où l’appellation « zéolithe » attribuée à ce type de roches. Au sens étymologique, zéolithe provient des termes grecs zein et lithos qui signifient respectivement « bouillir » et « pierre ». La zéolithe est donc la « pierre qui bout ». Les zéolithes font partie de la classe des matériaux microporeux avec des diamètres de pores inférieurs à 2 nanomètres. Actuellement, il existe 254 variétés de zéolithes dont plusieurs structures découvertes par des chercheurs et enseignants-chercheurs de l’Université de Haute-Alsace.

    Les pastilles sont réalisées en pressant un mélange de masses précises de zéolithes et d’un liant organique ou inorganique à l’aide d’une presse hydraulique à des pressions données.

    J. Patarin, J. Daou, G. Rioland, D. Fayre, Porous zeolite-based materials as adsorbent for molecular decontamination, 2016, WO2016120407A1; FR3031915A1, 2017, EP3250318A1, 2018, FR3031915B1.

     

    Toute l’histoire d’une innovation déjà embarquée sur le rover Curiosity

    L’exigence quant au maintien de la durée de vie et des performances des systèmes satellitaires s’est accrue au cours des dernières décennies. C’est pourquoi l’industrie spatiale s’est penchée sur la problématique de la contamination moléculaire en orbite, qui peut affecter la durée de vie des instruments de haute technologie embarqués à bord des satellites et des robots de manière drastique. En effet, les détecteurs, les revêtements de contrôle thermique ainsi que les appareils optiques et électroniques sont vulnérables quant aux effets dommageables engendrés par la contamination moléculaire. Cette dernière est la conséquence directe des molécules polluantes appelées composés organiques volatils (COV), issues du dégazage sous vide des matériaux constitutifs du satellite tels que les lubrifiants, les peintures, les vernis et les colles venant se déposer sur les surfaces sensibles citées précédemment. La présence de rayons ultraviolets (UV) entraîne également une fixation photochimique de ces contaminants sur la surface des appareils sensibles et une forte dégradation de leurs propriétés thermo-optiques.

    Pour répondre à cette problématique, une collaboration pérenne entre le CNES (Centre National d’Études Spatiales) et l’axe MPC (Matériaux à Porosité Contrôlée) de l’IS2M (Institut de Science des Matériaux de Mulhouse) a débuté en 2001 et a permis d’aboutir à quatre travaux de thèse soutenues. La première thèse a permis de mettre en évidence les zéolithes aux capacités d’adsorption et de rétention les plus intéressantes. Les thèses suivantes ont quant à elles porté sur leur mise en forme, car leur utilisation directe à l’état de poudre aurait induit une nouvelle source de pollution sous forme de particules. Ainsi des films de zéolithes sur des substrats en aluminium qui composent majoritairement la structure des satellites ont été élaborés ensuite, puis la mise en forme des matériaux zéolithiques sous forme de pastilles a été réalisée.

    Ensuite le procédé a été optimisé dans le cadre de la thèse de Guillaume Rioland de 2013 à 2016. Il a travaillé sous la direction du Professeur Jean Daou, Joël Patarin (directeur de recherche au CNRS) et Delphine Faye (chef de projet au CNES) sur l’élaboration de pastilles ainsi que de billes zéolithiques possédant de bonnes propriétés mécaniques et d’adsorption de COV. Afin d’améliorer ces propriétés, deux types de liants (organiques et inorganiques) ont été utilisés dans la formulation à hauteur de 5% en masse. L’ajout d’un liant a permis d’augmenter la tenue mécanique de ces objets zéolitiques sans pour autant altérer leurs propriétés d’adsorption.

    J. Patarin, J. Daou, G. Rioland, D. Faye, Porous zeolite-based materials as adsorbent for molecular decontamination, 2016, WO2016120407A1; FR3031915A1, 2017, EP3250318A1; 2018, FR3031915B1.

    Actuellement la collaboration avec le CNES se poursuit avec une cinquième thèse en cours à l’IS2M, avec un cofinancement du CNES et de la société Zéphir Alsace. Cette thèse est menée par un doctorant lui aussi diplômé de l’ENSCMu et encadrée par le Professeur Jean Daou et par Habiba Nouali, ingénieur de recherche à l’UHA. Dans la lignée des thèses précédentes, elle porte sur l’élaboration d’une peinture zéolithique optimale pour la décontamination moléculaire en orbite.

     

    Portraits des chercheurs impliqués

    Delphine Faye est ingénieur contamination au CNES. Son travail avec Guillaume Rioland consiste à garantir la propreté du satellite au sol et en vol et donc ses performances associées à travers différentes actions :

    • design (sélection de matériaux, influence de l’architecture, stratégie de bake-out et de réchauffage, etc.),
    • assemblage / intégration / test (suivi de la contamination, plan de propreté, etc.),
    • simulation (prédiction de la contamination, etc.),
    • expertise / résolution d’anomalies (nettoyage, analyse, essais environnementaux, etc.),
    • recherche & développement.

    Guillaume Rioland a effectué ses études à l’Université de Haute-Alsace. Diplômé de l’École Nationale Supérieure de Mulhouse (ENSCMu) en 2013, il a ensuite préparé sa thèse cofinancée par le CNES et la région Alsace à l’IS2M. Il l’a soutenue en juin 2016 et a ensuite été recruté par le CNES, où il travaille toujours en tant qu’ingénieur contamination.

    Jean Daou est professeur à l’Université de Haute-Alsace et exerce ses activités de recherche à l’Institut de Science des Matériaux de Mulhouse, membre de l’Institut Carnot Mica. Il a reçu le Prix chercheur 2020 de la division Chimie du solide de la Société Chimique de France ainsi que le prix Sciences 2020 de l’Académie Rhénane. Il avait déjà obtenu la reconnaissance de ses pairs en 2018 avec la nomination pour 5 ans comme membre junior à l’Institut Universitaire de France. Il est également impliqué dans la Fédération Française des Matériaux ainsi que dans le Groupe Français des Zéolithes dont il est le président depuis 2018.

    Joël Patarin est retraité depuis fin 2018. Il a exercé ses activités de recherche en tant que directeur de recherche au CNRS au sein de l’IS2M sur la synthèse de zéolithes et leurs applications dans le domaine de la décontamination moléculaire et le stockage d’énergie mécanique. Il est aussi un des fondateurs de la société Zéphir Alsace qui cofinance actuellement avec le CNES la cinquième thèse à l’IS2M.